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Le libéralisme est un totalitarisme

Finlande : le consensus social se fissure - 2

6 Juillet 2010, 21:04pm

Publié par Marianne

2 - Montée du chômage et dégradation du rapport de force

 

En Finlande, c'est l'ensemble du monde du travail qui est fragilisé par la montée du chômage.


Environ le cinquième des salariés des industries à haute technologie seront concernéx par le chômage technique. Tous ceux qui avaient espéré que la reprise économique mondiale avait radicalement tiré d'affaire l'industrie lourde finlandaise doivent déchanter. Même si une amélioration est décelable dans les chiffres des commandes, les perspectives sont faibles, la plupart des commandes sont à court terme. L'année dernière, 24 000 emplois ont été perdus, et 10 000 devraient l'être en 2010. Actuellement, ce sont 57 000 personnes qui sont en chômage partiel, qui pourrait se transformer en licenciements si la demande ne redémarre pas rapidement.


2009 a sonné le glas pour des entreprises des secteurs traditionnels d'activité, comme par exemple l'habillement, ou la fabrication d'objets courants produits en Finlande depuis plusieurs générations. Les délégués syndicaux invitent les consommateurs à s'arrêter et à réfléchir aux causes des prix si compétitifs de la production étrangère. Dans la presse syndicale, ils dénonce les conditions de travail « esclavagiste » qui les rendent possibles. Ils s'interrogent sur l'attitude des gouvernements finnois présents et passés : l'industrie du vêtement est sur le déclin depuis plusieurs décades, mais aucun gouvernement n'a rien fait pour arrêter ou tout au moins, enrayer la tendance, rappelant que d'autres secteurs industriels ont fait l'objet d'un soutien des pouvoirs publics. Dans les années 1970, le secteur comptait près de 65.000 salariés ; ils ne sont plus que 7.500. A cette découverte un peu naïve de la dure loi de l'exploitation qui régit le capitalisme, le patron d'une entreprise de confection masculine réagit par un franc cynisme. Interrogé sur le redémarrage possible de ses ateliers en Finlande, il répond ne même pas le souhaiter : cela signifierait que le peuple finnois s'est appauvri à un point tel que les salaires et les autres formes de rétribution des travailleurs seraient descendus à un niveau si bas que la production pourrait redevenir rentable.


Dans ce contexte, les employés malades, vieux ou « difficiles » sont les premiers à être congédiés. Mais c'est bien le facteur « âge » qui est le premier pris en compte pour licencier. Alors que le patronat mène un lobbying actif pour relever l'âge de la retraite, au niveau des entreprises les employeurs prennent des décisions qui vont dans le sens inverse. Les syndicats les accusent de mener double jeu.


SAK, la principale confédération de « cols bleus », appelle à de profonds changements dans la politique de l'emploi du gouvernement. Elle propose un plan en dix points qui impliquerait une dépense de plus de 100 millions dans des plans pour l'emploi. De plus, elle propose de prévoir entre 50 et 100 millions d'euros pour l'éducation et la formation professionnelle. Elle fait également des propositions de réforme pour l'éducation des jeunes et la formation des adultes.


Dans un rapport récent sur la Finlande, l'OCDE préconise ses recettes habituelles, qui n'auront d'autres effets que d'affaiblir encore le monde du travail. L'OCDE met en garde la Finlande contre les accords collectifs nationaux du travail, et dans le même temps presse les syndicats et les organisations patronales de mieux « coopérer ». Dans ce rapport, l'OCDE examine les secteurs clés de la politique économique finnoise ces dernières années : éducation, marché du travail, fiscalité, vieillissement de la population, et systèmes de retraite, sont passés en revue. La réaction de SAK est plutôt favorable : elle approuve la recommandation de l'OCDE d'accroître les fonds pour une politique active de l'emploi. SAK se démarque cependant de la partie du rapport qui traite de la politique du chômage : il contient des informations erronées et exagère la « générosité » des allocations de chômage finnoises.


Un rapport de force dégradé

 

Les négociations d'accords locaux mettent en évidence que le patronat tente -pas toujours avec succès, d'ailleurs- de tirer parti de la situation de chômage pour imposer des reculs importants au monde du travail.


Dans l'industrie alimentaire, le patronat a été obligé de faire marche arrière dans ses projets d'augmenter la «flexibilité » dans les horaires quotidiens et hebdomadaires ; il voulait porter cette « flexibilité » jusqu'à dix heures par jour et six jours par semaine.


En avril, à Helsinki, 700 conducteurs de bus sont en grève, contre la décision unilatérale de l'employeur de remplacer l'accord collectif spécifique l'entreprise par l'accord national, moins avantageux. Les syndicats qualifient cette méthode « d'accord-shopping », accusant les employeurs de « faire leur marché » parmi les accords disponibles pour imposer aux travailleurs celui qui leur est le moins favorable ; depuis quelques années, cette pratique patronale est devenue très commune pour contourner les obligations et miner l'unité du mouvement syndical.


Autre exemple, lors du renouvellement de l'accord des employés des salles de jeux, le patronat tente de faire passer la clause selon laquelle les salariés ne seraient pas autorisés à faire grève pendant la durée de l'accord collectif : les employés organisent spontanément un arrêt de travail pour couper court à cette prétention.


L'offensive concerne également la fonction publique. Une loi très controversée modifie depuis le début de l'année le statut du personnel de l'Université, qui auparavant appartenait pleinement à la fonction publique. Depuis le 1er janvier, il en sont sortis et doivent désormais négocier avec un consortium représentant les seize universités du pays leur accord collectif de travail.


Les salaires ne constituent pas le point de friction : l'inflation est négligeable en Finlande et l'augmentation du salaire pour suivre le coût de la vie n'est pas réellement un problème. La préoccupation des syndicats concerne les congés annuels et les arrêts maladie. Pour le personnel, le congé annuel plutôt avantageux apparaît comme une juste contrepartie de la modestie des salaires. Le consortium entend pourtant revoir la durée de ce congé à la baisse, tout comme il veut réduire la période pendant laquelle le personnel touche l'intégralité de son salaire en cas d'arrêt-maladie.


Pendant la période de discussion de la loi, on avait assuré au personnel qu'il ne perdrait aucun avantage et qu'il verrait même ses condition de travail s'améliorer. Il était resté globalement sceptique ; avec une telle attaque à peine la loi entrée en application, les pires craintes ont été dépassées par la réalité.



Décidément, en Finlande, le consensus social n'est plus ce qu'il était ! Le peuple finnois se trouve confronté à la brutalité d'une offensive de classe ; les travailleurs doivent se mobiliser pour conserver leurs acquis. Suivant les branches professionnelles, cette résistance est plus ou moins facile et de nombreux salariés sont marginalisés, sans stratégies à mettre en oeuvre pour combattre le chômage qui les menace.

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